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Balthasar Burkhard

1944 - 2010

Balthasar Burkhard

L'artiste 

Après un apprentissage auprès du photographe Kurt Blum, Balthasar Burkhard, est engagé à la fin des années 1960 comme photographe documentaliste attitré de la Kunsthalle de Berne.  Au fils des expositions qu'il photographie, il devient le témoin privilégié d'artistes qui vont influer sur son orientation artistique. Des œuvres minimalistes et conceptuelles, il retient pour ses propres travaux photographiques des caractéristiques telles que la sérialité, l'utilisation de matériaux bruts et l'appréhension physique de l'espace. En 1974, il se rend aux États-Unis où il a monté sa première exposition personnelle. Dans ses séries, il livre une lecture du corps à partir de détails choisis et démesurément agrandis. De retour en Suisse, à partir des années 1980, il commence à adopter la forme du polyptyque de grand format afin de magnifier l'essence des choses. Certains nus féminins longs de 8 et 13 mètres se déploient ainsi sur plusieurs panneaux. Ses clichés aux formats monumentaux privilégient une composition serrée et frontale, comme pour les séries Bambous (1990-1991), photographié de manière objective dans une mise en scène réduite au minimum. Saisies depuis un hélicoptère, ses visions de métropoles (1997-1998) – Mexico, Londres, Los Angeles, Tokyo – montrent la densité et la violence du fait urbain. Tourné à Mexico sur le même thème, le film de Balthasar Burkhard, Ciudad, projeté sur trois écrans, est présenté au Musée d'art moderne et contemporain de Genève en 1999.

Regard sur une oeuvre :
Le bras 
1993

L'œuvre de Balthasar Burkhard est un triptyque représentant un bras déplié. La main semble tendue et permet l'ouverture du côté gauche du cadre. L'avant bras, légèrement plié au coude donne de l'impulsion à la composition de l'image, comme une courbe harmonieuse, intermédiaire aux deux bords. L'épaule sur laquelle la lumière se heurte marque le point de départ de cette ascension d'une partie du corps, de cette longévité représentant un bras presque démesuré. L'utilisation du noir et du blanc révèle la beauté de l'image par l'objectif qui l'apprivoise et la transfigure. Ainsi l'image échappe à sa réalité (mais non à sa vérité), comme manifestation d'une vision fantasmée. On agrandit pour mieux voir, pour mieux percevoir ce qui subsiste de la beauté une fois le corps démembré, le détail isolé. Renversement des rapports entre l'objet et son observateur. Tout existe à l'échelle que lui donne librement l'artiste en dépit de toute raison, jouant sur le vertige, sur l'ambiguïté, sur les franges de ce qui peut être blanc ou noir, avec une large place laissée au gris. La réalité qui se découvre à nos yeux est double, multiple, et l'image, fidèle à son essence joue son jeu de trompe-l'œil. Pris au piège de l'objectif et donc à celui de l'objectivité, l'objet se défend, cherche des portes de sorties pour rejoindre d'autres angles que ceux qui sont habituellement proposés au regard. Le travail de Burkhard interroge les rapports entre l'homme et la nature, dont l'épicentre repose sur le mystère de l'origine de la Création. En dépit de leur symbolisme intrinsèque, les œuvres récentes visent également à stimuler la sensibilité du spectateur. La distance initiale entre le public et l'œuvre s'efface pour faire place à une impression de proximité et d'appropriation de ce qui est pourtant étranger et inaccessible. Une rencontre intime a lieu, un dialogue entre le regardeur et le regardé, en dépit de la forte puissance objective des motifs.

Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2015