Mémoire Désir

Karen Swami

Karen Swami

Karen Swami joue avec la matière, la flamme, les oxydes et pousse à bout les savoir-faire; se confrontant au grès et à la faïence elle simplifie les volumes et sublime la couleur. Le pot devient un objet d’art, fragile, unique, imposant.

Si les vases étrusques l’inspirent, il se dégage de son travail du mystère, de beaux jeux d’ombres, de la modernité et des lignes parfaites. Alors on comprendra sa devise « la pensée crée la matière».

Dans la tradition occidentale, lorsqu’une céramique est fissurée elle est mise au rebus. Certaines fissures ont cependant un dessin singulier et harmonieux. Karen Swami poursuit le travail en les réparant à la laque végétale (urushi), saupoudrée d’or pur (kintsugi) ou d’argent, ou encore d’étain. Au lieu d’être cachée ou maquillée, la faiblesse est alors valorisée.

La pièce est tournée, puis encore crue, polie de longues heures avec une agate. Elle est ensuite cuite une première fois dans un four électrique. Réchauffée à nouveau, la pièce est sortie du four à 800/900°C et plongée dans un fut rempli de sciure de bois. Au contact de la céramique incandescente, la sciure s’enflamme, génère de la fumée qui va «pénétrer» dans l’argile.

Il s’agit pour la céramiste de jouer avec le temps d’exposition à l’air et de créer une atmosphère pauvre en oxygène en recouvrant le fut et les flammes d’un couvercle afin d’influer sur l’aspect final de la pièce et sur la densité de l’enfumage.

Rencontre

- Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler la céramique?

Karen a commencé la poterie dès son plus jeune âge. C’est une passion qui l’a animée tout au long de sa vie personnelle mais son parcours professionnel a pris une toute autre tournure. Après une grande école de commerce, Karen a travaillé dans l’immobilier et dans la production de longs-métrages. Et c’est lors de son métier de productrice qu’elle a ressenti le besoin de retourner à sa première passion. Depuis, elle ne s’est plus arrêtée et vit désormais de cette passion qui est devenue son métier.

-  Comment pensez-vous que votre travail a évolué au fil des années ? Comment pensez-vous que cela pourrait évoluer à l'avenir ?

Le travail de Karen évolue selon ses inspirations et donc finalement sa vie. Les formes qui lui parlent, les couleurs et matières visuelles qu’elle a pu rencontrer et les émotions qui la traversent… Tout est intimement lié et donc en perpétuel mouvement. 

- Le ‘Kintsugi’ apparaît souvent dans votre travail. Qu’est ce qui vous attire particulièrement dans cette technique japonaise ancestrale ? 

Cette technique japonaise ancestrale qu’est le Kintsugi est une métaphore et une philosophie de la vie en elle-même : la résilience, soigner ses blessures et les sublimer en en faisant une force.

Elle a appris cette technique lorsque très peu de gens - et encore moins le grand public - avaient connaissance de celle-ci. Il s’agissait initialement de trouver une manière de réparer ses pièces qui cassaient et fissuraient lors de l’enfumage de certaines d’entre-elles, qui est une technique fragilisante pour les pièces. C’est ainsi que le Kintsugi lui est rapidement apparu être une évidence, un écho à la façon dont elle aborde sa vie et donc in fine, son travail.

- D’être ancrée dans la terre, que signifie cette phrase pour vous ? 

Être ancrée dans la terre, cela signifie être acteur de sa vie, être liée à son histoire et ses ancêtres, à la nature qui nous accueille et nous porte. Travailler la terre c’est être liée à elle, ancrée en elle.

Qu’y a-t-il de votre ancien métier dans celui que vous avez choisi d’exercer aujourd’hui ?

Il y a parfois de la négociation et de l’adaptation, que les clients soient particuliers ou professionnels. Et de la commande sur-mesure même si ce n’est pas le plus gros de son travail.

- La céramique est devenue de plus en plus à la mode ces dernières années. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui abordent ce métier pour se distinguer ?

De bien se former ! Comme le métier de céramiste devient de plus en plus à la mode, il y a de plus en plus d’offres de formats diverses et variées. Il faut bien choisir sa formation et être rigoureux, cela ne vient pas en un jour. Il faut du travail pour que celui-ci en devienne un. Et surtout, s’écouter, suivre son instinct et ses émotions qui guident la création.