Asian Spring

Chen Wenling

1969 -

Chen Wenling

L’artiste Chinois Chen Wenling qui est devenu l’un des sculpteurs les plus originaux et proéminents de sa génération est né en 1969 dans un village montagneux de la province de Fujian. Ses premiers balbutiements artistiques éclosent dans sa famille où petit garçon, il fabrique ses propres jouets et de petites figurines en argile. Admis à l’école des arts et métiers de Xiamen pour l’étude de la peinture à l’encre traditionnelle chinoise, il en sort diplômé en sculpture sur bois. Il débute comme fonctionnaire, puis parfait sa maîtrise de sculpteur à l’académie centrale des Beaux-Arts de Chine. Il s’installe finalement à Pékin en 2004.

Sa carrière artistique se fera souvent dans la joie et la douleur et certaines difficultés l’amènent à considérer le rôle de l’oeuvre d’art et de l’artiste dans la société, son environnement et son rapport au public.

C’est sur ce terrain que vont s’exprimer des oeuvres toujours plus monumentales, ou il mixte, sculptures, installations, vidéos, photos, performances qui vont installer une vision très originale et en permanente expansion. Son travail est à la fois visuel et parfaitement conceptuel. Son éducation artistique un peu avortée, sans doute incomplète à ses yeux et un tempérament d’autodidacte, l’éloignent des canons esthétiques formatés. Ses racines campagnardes (grass root) loin des grandes cités, des intellectuels, et des brillants sujets des académies célèbres le font réfléchir à d’autres orientations. Et surtout au moyen de créer un lien universel non avec une élite raffinée, mais avec le plus grand nombre, toutes classes sociales confondues, de l’érudit au paysan.

A travers des symboles, des couleurs, des thèmes récurrents, il réussit ainsi le pari de donner un nouveau visage à la Chine contemporaine et à ses bouleversements. L’oeil occidental peut juger avec moins d’acuité le contenu de ses référents historiques, la portée de ces symboles à la fois anciens et modernes qui paraissent si familiers au monde Chinois.

Sa figure de prédilection, son acteur principal, qu’il décline à l’infini, sera le cochon, messager de ses interrogations. Son image est puissamment ancrée dans la culture populaire, domestique, et les festivales, les maisons, regorgent de sa représentation.

La tradition en fait un porteur de chance, de richesse, de fertilité. Le caractère chinois jia 甲 est constitué en haut du caractère maison, et en bas du caractère cochon. 

La raison pour laquelle le cochon est venu à signifier foyer, la maisonnée ou la famille peut s’expliquer par l’histoire. Les cochons étaient considérés comme des animaux intelligents et leur courage admire. Aussi symbole de richesse puisque dans les temps anciens seuls les nantis avaient les moyens d’en manger. De même leur fertilité avec de nombreuses portées, symboles de famille heureuse sont associés à la chance. Chen a même rendu visite à une truie qui avait accouché de 30 porcelets ! Si la tradition portraiture un animal vorace, glouton, sale, paresseux, hypersexuel et stupide, il est néanmoins satisfait et heureux. Les études scientifiques ont aussi depuis prouvé son intelligence. Pour Chen, cet animal est assimilé à la vitesse. En s’alimentant tout le temps, il lui faut seulement 2 mois pour s’engraisser à maturité et ensuite être tué pour être consommé … Paradoxalement, il accélère en se développant le processus de sa propre fin. C’est son destin. Par ces comparaisons, la rapidité de croissance à la productivité, en font la parfaite incarnation de la Chine contemporaine avec laquelle ils coïncident.

 

Son cochon roi se gonfle d’abondance et d’excès, d’obésité obscène et de triomphe Rabelaisien, malade de sa cupidité. Chevauché par des créatures sur-maquillées, il rote et pète au monde les vapeurs nauséabondes d’une vanité sans loi. Sa trivialité et son animalité expirent les vices du monde dans lequel il se vautre. Il règne sur des petites portées obéissantes rangées comme dans une parade militaire qui mangent ses déjections dans un festin grotesque. Le capitalisme ou tout est à la carte, la foire aux vanités, le Sodome et Gomorrhe de l’orient nous invitent dans un vertige à un banquet sans fin ou le consommateur jamais repu déguste sa grande bouffe jusqu’à la mort. Il participe à cet absurde cycle qui le conduit inexorablement à sa perte.

Le rôle de l’artiste n’est il pas de protéger les masses contre les dangers que la société permet dans cette tromperie d’abondance ?

Chen est un prophète criard qui dans ses couleurs acidulées utilise le « mauvais goût « pour crier à l’outrage et à l’indigestion ? Il prône comme Joseph Beuys en son temps un «Art Social « destiné à l’éducation des masses ou un arbre planté vaut mieux que des objets narcissiques des salles obscures dans des musées pour des connaisseurs .

A travers ses « red boys » du début (1984), nous assistions, sur la plage, dressés entre les embruns et des levers de soleils à la douce symphonie du temps de l’innocence. Ces garçons géants, nus, rieurs, rouges de bon augure, faisaient l’écho de la part d’enfance de chacun et d’une prospérité utopique.

Son monde a changé et s’est corrompu, vicié inexorablement par la maturité d’un pays qui n’était pas préparé aux ouragans du grand capital de l’urbanisation galopante, des corruptions occidentales et de l’avidité des marches. Ses frêles garçons sont devenus l’Homonculus hypertrophié qui hurle son dépit silencieux d’esclave mourant et mutant.

Le travail de Chen ne s’exerce pas contre la politique comme beaucoup d’artistes en exil, mais il garde le bon sens des campagnes, et comme un forain au 17e siècle avec son arlequin comme cochon, diffuse et caricature dans ses fables grotesques l’image d’une société en évolution. Ses références à l’art populaire, au langage artificiel de la mode identifié par tous comme dans la tradition orale, en font un messager facile à comprendre même si ses allégories camouflent des messages plus cryptés.

Le vent de l’occident a soufflé à travers le Pop Art et leurs suiveurs de Warhol à Koons à l’orientation plus américaine ou les idoles ou l’odyssée de faux paradis n’ont pas les mêmes visages, mais ces influences restent étrangères à l’histoire interne de son pays.